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Modernisation du droit allemand de l’arbitrage : le livre blanc du ministère fédéral de la Justice

Le ministère fédéral allemand de la Justice a publié un livre blanc sur la modernisation du droit allemand de l’arbitrage (traduit officieusement par le DIS) le 18 avril 2023. Son objectif principal est d’adapter la loi aux besoins d’aujourd’hui pour améliorer son efficacité et renforcer l’attractivité de l’Allemagne en tant que lieu d’arbitrage. Cet article détaille les douze questions qui, selon le ministère de la Justice, devraient être incluses dans le projet de loi, ainsi que les quatre autres questions proposées par le ministère pour discussion.

Le livre blanc lance la première réforme importante du droit de l’arbitrage en 25 ans depuis que l’Allemagne a adopté la loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (« Loi type ») en tant que Livre 10 de son Code de procédure civile (Code de procédure civile – ZPO). Déjà en devenant un pays de loi type en 1998, l’Allemagne avait apporté plusieurs modifications pour attirer les arbitrages internationaux. Il s’agit notamment d’étendre la loi type de 1985 aux procédures d’arbitrage nationales et non commerciales (sec. 1025 ZPO, contournant ainsi la question épineuse de ce que signifie «commercial» au sens de l’art. 1(2) Loi type), de fournir une assistance judiciaire pour les procédures arbitrales étrangères ( 1025(2) ZPO, c’est-à-dire au-delà de l’acte d’instruction (art. 1050 ZPO)), et établissant des règles d’exécution des mesures provisoires accordées par les tribunaux arbitraux (art. 1041 (2-4) ZPO).

C’est dans ce contexte que le Livre blanc se concentre à juste titre sur les révisions de 2006 de la loi type, les réformes juridiques dans les pays voisins de l’Allemagne, la mise à jour des règles institutionnelles et la numérisation du droit procédural et de la jurisprudence pertinente.

  1. Suppression des exigences de formulaire pour les conventions d’arbitrage

Art. 7 de la loi type de 2006 contient des exigences de forme plus libérales que la loi type de 1985 et la loi allemande sur l’arbitrage (sec. 1031 ZPO). Le Livre blanc propose de supprimer l’exigence selon laquelle une convention d’arbitrage B2B doit être contenue dans un document signé par les parties ou dans un échange de messages. Cette proposition est appréciée car elle remet le droit allemand de l’arbitrage en conformité avec les normes mondiales de convivialité de l’arbitrage en rétablissant la situation juridique allemande avant 1998.

  1. Nomination des arbitres dans les arbitrages multipartites

Alors que la loi type est muette sur les arbitrages multipartites, la loi allemande permet déjà au tribunal de constituer le tribunal arbitral si plusieurs parties d’un côté ne peuvent pas s’entendre sur un arbitre. Cependant, cette piste n’est pas incontestée. Le Livre blanc propose d’introduire des règles explicites pour la désignation des arbitres par les parties et alternativement par le tribunal. Il s’agit d’une étape bienvenue vers plus de clarté pour les procédures multipartites.

  1. Annuler les décisions négatives sur la compétence

Comme la loi type, la loi allemande sur l’arbitrage ne prévoit pas de motif d’annulation d’une sentence arbitrale si le tribunal arbitral nie à tort sa compétence. Le Livre blanc propose d’ajouter le motif tel qu’il existe déjà pour les décisions d’attribution de compétence à tort. On peut se demander si l’ajout d’un autre motif d’annulation constitue une mesure favorable à l’arbitrage : alors que le droit d’accès des parties à un tribunal exige que les décisions arbitrales se déclarant compétentes soient soumises à un contrôle juridictionnel, une décision négative incorrecte sur la compétence n’affecte pas ce droit . Cela va à l’encontre de l’ajout d’un recours contre les décisions arbitrales qui rejettent à tort la compétence. Ainsi, ces décisions et les décisions arbitrales erronées sur le fond, qui ne sont pas soumises à un examen ultérieur, sont également traitées de la même manière.

  1. Audiences par vidéoconférence

Le Livre blanc suggère d’autoriser la visioconférence dans les procédures arbitrales, sauf si les parties en ont convenu autrement. Il s’agit d’une clarification bienvenue, en particulier si une partie s’oppose à une audience virtuelle. Il est moins clair dans quelle mesure les auditions tenues par vidéoconférence peuvent être enregistrées, comme le suggère le Livre blanc, si tous les participants ne donnent pas leur consentement.

  1. Publication des sentences arbitrales

Pour des raisons de transparence et d’évolution du droit, le Livre blanc propose de permettre aux tribunaux arbitraux de publier les sentences arbitrales si les parties en conviennent. Cette précision reflète l’état actuel du droit dans lequel la publication échoue régulièrement faute de consentement des parties. D’autres mécanismes, dont une solution d’opt-out pour les parties, souligneraient la nécessité de publier encore plus efficacement les sentences.

  1. Soumission de documents en anglais au tribunal

Actuellement, les juges allemands, par exemple lors d’une procédure d’annulation ou d’exécution, peuvent demander la traduction des sentences ou d’autres documents de la procédure arbitrale s’ils sont rédigés dans une langue autre que l’allemand. Le Livre blanc répond à un souhait de longue date de la communauté arbitrale de permettre la soumission de documents en anglais sans traduction en allemand. C’est une étape efficace pour gagner du temps et de l’argent.

  1. Arbitrages devant les Tribunaux de Commerce

Avec un autre projet de loi ministériel, le ministère allemand de la justice a l’intention de créer des tribunaux de commerce en tant que sénats de première instance des tribunaux régionaux supérieurs pour les affaires commerciales de grande valeur. Ces tribunaux de commerce seraient plus souples dans la conduite des procédures et, si les parties sont d’accord, pourraient mener les procédures en anglais.

Le Livre blanc propose de permettre aux États fédéraux allemands («États fédéraux”) d’attribuer compétence en matière d’arbitrage aux Tribunaux de Commerce. Les procédures liées à l’arbitrage pourraient également être menées en anglais si elles sont portées devant les tribunaux de commerce. Cependant, en plus de ce que la proposition note, les États fédéraux devraient également pouvoir organiser des procédures en anglais devant les sénats actuellement compétents en matière d’arbitrage, même si ces sénats ne sont pas des tribunaux de commerce. Cette option préserverait l’expérience et les connaissances en matière d’arbitrage déjà existantes dans ces sénats.

  1. Action pour la restitution à nouveaunst sentences arbitrales

Le Livre blanc suggère d’introduire un recours extraordinaire pour éliminer les décisions arbitraires nationales finales. Selon cette proposition, une action en restitution contre les sentences arbitrales sera recevable pour les mêmes motifs que contre les jugements des tribunaux étatiques. Ces raisons incluent les contextes dans lesquels la décision a été induite par une infraction pénale telle que la fraude procédurale, la falsification de documents ou la corruption.

  1. Exécution des mesures provisoires accordées par les tribunaux arbitraux étrangers

Le Livre blanc propose de permettre explicitement l’exécution des mesures provisoires accordées par les tribunaux arbitraux étrangers. Il s’agit d’une autre étape sensible pour promouvoir un cadre juridique favorable à l’arbitrage.

  1. Étendu res judicata de la décision de la Cour sur la recevabilité de la procédure arbitrale

Une partie souhaitant déposer une réclamation peut ne pas savoir si la réclamation est couverte par une convention d’arbitrage valide. seconde. 1032(2) ZPO prévoit qu’avant la composition du tribunal arbitral, une partie peut demander au tribunal de déterminer si l’arbitrage est recevable. Le Livre blanc propose d’étendre la res judicata effet de la décision sur la recevabilité à l’existence de la convention d’arbitrage. Si, par exemple, le tribunal conclut que l’arbitrage est recevable, une sentence arbitrale ultérieure ne peut être annulée en raison de l’absence d’une convention d’arbitrage valide.

  1. Renvoi au Tribunal après demande d’exécution infructueuse

Si une demande d’annulation d’une sentence arbitrale a abouti, le tribunal peut, le cas échéant, à la demande d’une partie, renvoyer l’affaire au tribunal arbitral (art. 1059(4) ZPO). Les tribunaux allemands appliquent également cette règle mutatis mutandis si la sentence a été annulée au cours de la procédure d’exécution (art. 1060(2)(1) ZPO). Le Livre blanc propose de mettre en place une règle de clarification de la loi. C’est appréciable.

  1. ex parte Exécution provisoire

Sous sec. 1063(3)(1) ZPO, le tribunal de l’exécution peut ordonner l’exécution provisoire d’une sentence sans entendre la partie qui s’oppose à la demande. recherche ex parte les ordonnances ne sont recevables qu’en cas d’urgence afin de préserver les exigences constitutionnelles d’une procédure régulière. Le Livre blanc suggère à juste titre d’ajouter ce critère d’urgence expresse au texte de la disposition.

Autres mesures de modernisation envisagées dans le Livre blanc

Le ministère de la Justice a également l’intention de procéder à un examen ouvert et impartial de quatre autres questions.

Premièrement, le Livre blanc indique que le ministère de la Justice envisage de mettre en œuvre l’arbitrage d’urgence dans la loi allemande sur l’arbitrage. Alors que le droit des parties de convenir d’un arbitre d’urgence découle déjà de l’autonomie des parties et ne nécessite pas de réglementation supplémentaire, permettre l’exécution des ordonnances d’arbitre d’urgence ferait de l’Allemagne une juridiction favorable à l’arbitrage.

Deuxièmement, le Livre blanc propose de répondre aux opinions dissidentes. Cette intervention remonte à une dicton ci-dessus dans une décision du 16 janvier 2020 du tribunal régional supérieur de Francfort. Dans cette décision, le tribunal avait émis des doutes quant à savoir si une opinion dissidente dans une sentence interne violait le secret des délibérations du tribunal et donc l’ordre public allemand. Compte tenu de l’agitation que cette décision spécifique a provoquée au niveau international, une disposition de clarification serait la bienvenue.

Troisièmement, le Livre blanc propose également de s’adresser à des commissions mixtes des tribunaux régionaux supérieurs pour les questions d’arbitrage. Pour rappel, ces tribunaux servent actuellement de tribunaux de première instance pour (presque) toutes les questions d’arbitrage. Leur compétence devrait en effet être maintenue et ne pas être transférée à la Cour suprême fédérale, car cela entraînerait des retards importants et alourdirait la Cour suprême fédérale avec de nombreuses affaires d’exécution. De même, il ne serait pas prudent d’adopter les modèles suisse et autrichien consistant à concentrer uniquement les procédures d’annulation devant le Tribunal fédéral tandis que les procédures d’exécution restent devant d’autres tribunaux étant donné la similitude de l’étendue du contrôle pour les deux types de procédures. Pour accroître l’expertise, il est judicieux de concentrer les affaires d’arbitrage sur quelques cours régionales supérieures seulement. La suggestion du Livre blanc d’autoriser explicitement les collèges conjoints des juridictions régionales supérieures pourrait faciliter la mise en œuvre de cette concentration.

Quatrièmement et enfin, le Livre blanc propose d’aborder l’assistance judiciaire à l’appui des arbitrages. Bien que les tribunaux régionaux supérieurs aient compétence sur presque toutes les questions d’arbitrage, les tribunaux locaux sont actuellement chargés de fournir une assistance judiciaire pour l’obtention de preuves et d’autres actes judiciaires tels que l’incitation à la signification d’une procédure à l’étranger ou l’ordonnance de signification par publication (art. 1062(4), 1050 ZPO). Le Livre blanc note que le ministère examinera le transfert de cette compétence aux tribunaux régionaux supérieurs. Cela aurait du sens pour assurer une assistance judiciaire en anglais – quelques tribunaux régionaux supérieurs sont un meilleur choix que plusieurs tribunaux locaux.

Autres propositions et conclusions

Un effort de modernisation à venir devrait également intégrer les amendements de 2006 aux articles 2a et 35(2) de la loi type. L’article 2a de la loi type précise que les dispositions de la présente loi (c’est-à-dire la loi allemande sur l’arbitrage basée sur la loi type) doivent être interprétées conformément à leur origine internationale. Art. 35(2) de la Loi type stipule désormais qu’une simple copie de la sentence suffit pour les procédures de reconnaissance et d’exécution. L’incorporation de ces modifications mettrait à jour l’intégralité du droit allemand de l’arbitrage.

Malgré ces commentaires, avec son Livre blanc sur la modernisation du droit allemand de l’arbitrage, le ministère de la Justice prend des mesures importantes pour renforcer l’appel de l’Allemagne en tant que lieu d’arbitrage national et international.