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Sur le lien entre les droits des autochtones et la démocratie – EJIL : Parlons-en !

Nous ne voyons pas les choses comme elles sont, nous les voyons comme nous sommes (anonyme)

Introduction

Je tiens à remercier ma collègue, la professeure Claire Charters, pour son travail et son érudition, et à la remercier, en tant qu’une des plus éminentes spécialistes des Maoris d’Aotearoa, pour avoir consacré du temps et des efforts à lire et à commenter mon récent article de l’EJIL sur la rédaction progressive de traités reconnaissant la représentation des Maoris sur la scène commerciale internationale. Charters conclut que je n’ai pas « placé la souveraineté continue des Maoris au premier plan » de mon analyse des dispositions relatives aux autochtones dans les récents accords de libre-échange de la Nouvelle-Zélande avec l’Union européenne et le Royaume-Uni. Je crois en un débat universitaire solide et, avec le nom de ce blog, nous devons parler : nā tō rourou, nā taku rourou ka ora ai te iwi.

Les gens de gauche comme de droite ne cessent de me rappeler que je manque de « compréhension approfondie ». Le droit constitutionnel néo-zélandais est l’un des domaines les plus fascinants du droit et l’un des plus controversés. Il se caractérise par des courants incompatibles. Plus précisément, il y a un conflit sur la question de savoir si l’individu ou le groupe doit être placé au cœur d’un système politique. La réponse à cette question est fondamentale.

Souveraineté des Maoris

L’argument de Charters repose sur la revendication de souveraineté des Maoris, qui découle de la version te reo du te Tiriti o Waitangi | le Traité de Waitangi via une application du principe interprétatif de contre proférenteIl existe une pluralité de points de vue sur la relation entre la Couronne et les Maoris. D’une part, il s’agit d’une question d’interprétation, concernant l’exégèse de te Tiriti. D’autre part, il s’agit d’une question profondément politique, car une démocratie ne peut pas fonctionner si le gouvernement (lorsqu’il est désigné comme « gouvernement des colons ») ou la manière dont les décisions sont prises (encapsulée dans le slogan « un vote, une valeur ») sont considérés comme illégitimes par la population, autochtone ou non autochtone. Dans ce qui suit, je me concentrerai sur les questions juridiques.

Même sur la base de la méthodologie avancée par les Chartes, une lecture différente est possible. L’article 2, première phrase, du te Tiriti garantit la protection de l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique. Tino RangatiratangaOn peut traduire ce terme par « exercice sans réserve de la chefferie ». On peut alors se demander ce que cela signifie aujourd’hui. Le dictionnaire maori propose plusieurs significations, l’une d’elles étant la souveraineté. D’autres, notamment l’autonomie et l’autogouvernement, sont des concepts moins explosifs et pourraient sans doute être acceptés sans menacer l’unité de l’État. En outre, le même résultat pourrait être obtenu en reconnaissant la souveraineté tribale, comme le font les États-Unis, puis en la limitant à l’autogouvernement ; la différence est sémantique.

Les commentateurs qui adoptent une position différente de celle de Charters pourraient souligner que s’il existe plus d’un résultat interprétatif anus une application de contre proférentele résultat qui est plus harmonieux avec l’autre version linguistique ne peut être rejeté d’emblée. Contre proferentem n’annule pas entièrement le texte anglais. Dans ce contexte, l’interprétation de la souveraineté maorie dans le te Tiriti semble davantage relever d’un choix politique que d’une interprétation préétablie.

Utilisation des principes de Syracuse

Comme leur titre l’indique, les Principes de Syracuse ont été conçus pour guider l’interprétation des « dispositions de limitation et de dérogation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Leur application à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) aurait pour conséquence d’élargir ces droits.

La protection des minorités sociales et des peuples autochtones contre la domination de la majorité doit être la marque distinctive de toute société démocratique. En même temps, le processus de prise de décision doit être démocratiquement légitimé pour que la structure de gouvernance respective mérite le label « démocratique » ; cela présuppose un espace politique suffisant pour un gouvernement majoritaire. Bien que les droits des autochtones et les droits des minorités ne soient pas identiques, il est clair que des droits spéciaux doivent être garantis par des lois démocratiques. participatif les protections en faveur d’un peuple autochtone ne sont plus nécessaires dans un démocratiquement société organisée une fois que les peuples autochtones formeront la majorité : les processus démocratiques garantiront que la volonté du peuple (autochtone) prévaudra.

Inversement, l’autochtonie est indépendante de la situation de la population. De même, il existe des cas où les droits des autochtones prévaudront, et devraient prévaloir sur les décisions majoritaires démocratiquement légitimées, tout comme les droits des groupes minoritaires et les droits de l’homme. Cela est particulièrement vrai dans les zones où la majorité non autochtone empiète sur la culture, la terre, les ressources, etc. des peuples autochtones. Les principes de Syracuse, qui ne peuvent pas remplacer le texte juridique, sont pertinents pour les droits des autochtones ici – dans leur défensive apparence.

Le régime des droits autochtones envisage un continuum de droits, allant des droits défensifs aux droits de consultation, aux droits de participation, aux droits de dire non et enfin à l’exercice du pouvoir public par les peuples autochtones. Plus les droits autochtones sont conçus de manière solide, plus les considérations démocratiques prennent le pas. En un mot, l’interprétation des droits et des limitations correspondantes va de pair : plus la portée des droits autochtones est large, plus les limitations doivent être interprétées de manière large en raison du potentiel accru de conflit. Dans le cas contraire, comme je l’ai souligné dans mon article, cela conduirait à une priorisation systématique des droits autochtones par rapport aux droits des autres. Ce parallélisme des droits et des limitations peut également être observé en droit constitutionnel, en droit économique international et en droit des droits de l’homme.

Imaginez une situation dans laquelle le gouvernement prend des mesures pour faire respecter les droits de l’homme. La fourniture de services publics en est un exemple typique. Les principes de Syracuse ne sont pas adaptés à une situation de conflit de droits, où des droits concurrents d’égale valeur doivent être mis en balance. Ce n’est pas pour rien que les principes de Syracuse ont été élaborés dans le contexte des droits civils et politiques, c’est-à-dire des droits de première génération, et qu’un ensemble distinct de principes interprétatifs, les principes de Limbourg, tels qu’élaborés dans les lignes directrices de Maastricht, s’appliquent aux droits économiques, sociaux et culturels.

Article 19 de la DNUDPA

L’article 19 de la DNUDPA est la disposition la plus large de la Déclaration relative au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CLPI) et sert de solution de repli au cas où les autres dispositions plus spécifiques ne s’appliqueraient pas. Les exigences en matière de consentement entraînent pour le gouvernement des obligations de consultation afin d’obtenir le consentement requis. Les droits de consultation sont distincts des exigences en matière de consentement. Les premiers exigent la bonne foi mais pas l’accord. Les droits de consultation sont donc moins problématiques d’un point de vue démocratique. Cela ne signifie pas que le CLPI ne pourrait pas être pris en compte dans une démocratie. Il le peut, à condition que son application soit circonscrite.

La manière de circonscrire cette disposition est controversée et explique pourquoi l’article 19 a été l’une des dispositions les plus contestées au cours du processus de négociation. Il est remarquable que cette disposition ne se contente pas d’indiquer que le consentement est requis pour les mesures législatives ou administratives susceptibles d’affecter les peuples autochtones, mais qu’elle suppose une exigence de consentement préalable, libre et éclairé. Un projet à cet effet a été rejeté (cf. Art. 20, 2e phrase, Projet de Déclaration de 1994. En outre, il a été stipulé dans la version adoptée que la DNUDPA doit être interprétée conformément à, entre autresle principe de la démocratie (art. 46(3)).

L’article 19 ne précise pas ce qui se passe en cas de refus de consentement. Le Mécanisme d’experts compétent qualifie ce cas de « zone grise juridique » (paragraphe 28). En tout état de cause, le gouvernement peut agir si la mesure en cause n’affecte pas les peuples autochtones, ou si la mesure affecte les peuples autochtones mais que les exigences de la limitation prévue à l’article 46(2) de la DNUDPA sont satisfaites.

Le fait que la notion d’« affection » reste indéfinie est le nœud du problème. L’interprétation la plus large engloberait les mesures gouvernementales qui sont capables de potentiellement affectant les peuples autochtones indirectement. Cela impliquerait une général Le gouvernement a l’obligation de consulter pour obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, car tout changement réglementaire peut potentiellement affecter les peuples autochtones, au moins indirectement. Un droit général de participation en faveur des peuples autochtones serait l’autre face de la médaille. Dans ce contexte, il convient de noter que le Mécanisme d’experts inclut les « questions d’application sociétale générale » comme un élément déclencheur suffisant pour l’article 19 de la DNUDPA (paragraphe 33). En comparaison, en vertu de la Convention n° 169 de l’OIT, la consultation obligatoire est limitée aux direct affection (article 6(1)(a)).

Conscient que le Mécanisme d’experts ne constitue pas une interprétation officielle des signataires, l’auteur soutient que, conformément aux règles générales d’interprétation, il est raisonnable de supposer que les rédacteurs de la DNUDPA avaient l’intention d’exiger, aux fins de l’article 19, un degré d’affectation similaire à celui requis en vertu des autres dispositions relatives au consentement libre, préalable et éclairé. Ces dispositions (articles 10, 11(2), 28, 29(2), 32(2)) présupposent toutes que les intérêts autochtones sont spécifiquement Ils constituent des exemples exprès de l’affectation, indiquant le degré requis d’affectation en vertu de l’article 19. C’est ainsi que les exemples légaux et les clauses générales interagissent en général. Pour être clair, étant donné spécifiquement être affecté n’est pas la même chose qu’être exclusivement affecté.

Une question distincte est de savoir si un général L’obligation de consulter est devenue un droit international coutumier. L’auteur ne connaît personne concordant pratique des États concernés (en bref, des États colonisés avec une population autochtone) qui suggérerait une portée plus grande que spécifique Affectation. Les cas nationaux cités par le Mécanisme d’experts (para. 37) concernent des cas d’affectation spécifique (activités sur des terres autochtones). L’Australie a récemment rejeté un droit général de participation à un référendum, entre autres, en raison de sa portée étendue. La formulation proposée était « questions relatives » aux peuples autochtones concernés. La Cour suprême du Canada a nié l’obligation de consulter pour le processus législatif. Il est également pertinent dans ce contexte que la Convention n° 169 de l’OIT n’ait reçu qu’un soutien limité. Il est difficile d’imaginer que des droits plus étendus auraient été acceptés par d’autres États, à moins d’être réduits à une loi souple.

Même la Cour interaméricaine des droits de l’homme, reconnaissant la consultation des peuples autochtones comme un principe général du droit international, semble nuancer ce principe en le liant à la Convention n° 169 de l’OIT, confirmant ainsi la limitation à l’affectation directe (Comunidad Garifuna c. Hondurasparagraphe 158). Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas spécifique obligations de consultation en vertu du droit international coutumier.

Enfin, ce qui précède décrit la situation au regard de la DNUDPA. Cela ne porte pas atteinte à la position des Maoris au regard du te Tiriti, car le droit constitutionnel peut bien dépasser le niveau de protection des droits autochtones garanti par le droit international. La DNUDPA prévoit cela par une clause de non-dérogation dans son article 37(2).

Remarques finales

Les questions abordées sont chères à tous les Néo-Zélandais. Dame Anne Salmond a évoqué à Ōtautahi Christchurch le 28 juillet l’importance de renforcer le terrain d’entente politique. Dans cet esprit, je me réjouis de poursuivre la conversation et je remercie une fois de plus la professeure Charters pour son engagement.

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