Assurer une résolution rapide des litiges potentiels est une préoccupation très importante pour la plupart des parties qui concluent des conventions d’arbitrage. Un moyen de garantir un arbitrage rapide peut être de fixer un délai pour la décision du tribunal arbitral. En mettant l’accent sur le droit italien – en vertu duquel l’article 820, paragraphe 2, du Code de procédure civile fixe un délai de 240 jours pour toute procédure d’arbitrage – cet article examine si les conventions d’arbitrage doivent contenir des délais fixes et passe en revue les situations dans lesquelles il est possible faire comme ça.
Contexte : De la pratique générale au scepticisme général
Dans l’histoire de l’arbitrage, les délais fixes étaient omniprésents. En droit romain, ils étaient considérés comme une partie nécessaire d’une convention d’arbitrage et la compétence du tribunal arbitral prenait fin après l’expiration du délai. Au cours des siècles suivants, cette pratique s’est poursuivie : les conventions d’arbitrage des époques médiévales et modernes prévoyaient encore généralement des délais fixes.
Ce n’est qu’avec les codifications modernes, à partir du XVIIIème et 19ème siècle, que les délais fixes n’étaient plus considérés comme nécessaires par la loi et sont devenus par la suite également moins fréquents dans la pratique contractuelle.
En vertu des lois modernes sur l’arbitrage, les parties à l’accord jouissent de la liberté contractuelle. Ils ont donc la possibilité de fixer une date, par exemple six mois après la constitution du tribunal pour la sentence finale, et de déclarer que le tribunal n’aura plus aucun pouvoir après cette date. Un délai aussi fixe ou strict obligerait le tribunal fonction d’officier par la suite, ce qui inciterait fortement le tribunal à faire avancer activement la procédure et à trancher rapidement les questions de fond pertinentes. Dans le même temps, le tribunal n’aurait pas à craindre de violer le droit d’être entendu puisque les parties ont elles-mêmes déclaré préférer une procédure rapide à la procédure la plus exhaustive.
Bien que cette solution semble simple et évidente, elle n’est presque jamais adoptée dans l’arbitrage international et il existe un scepticisme considérable quant aux délais fixés dans la littérature juridique.
Délais fixes dans les lois modernes sur l’arbitrage
Dans les lois modernes sur l’arbitrage, il existe quelques exemples de législateurs permettant expressément aux parties de fixer un délai pour la sentence. Par exemple, l’article 366 du Code de procédure civile suisse (Code de procédure civile) permet expressément aux parties de fixer un délai pour le mandat du tribunal arbitral. Selon l’interprétation donnée par les tribunaux suisses, un tel délai ne limite cependant pas en fin de compte le pouvoir de décision du tribunal, c’est-à-dire qu’un tribunal peut néanmoins rendre une sentence valable même si le délai n’a pas été respecté.
Le délai prévu à l’article 366 du Code de procédure civile suisse n’est donc en réalité qu’un délai « flexible », similaire au délai de six mois pour la sentence fixé à l’article 31 du Règlement de la CCI.. Ces types de délais flexibles imposent une certaine pression sur le tribunal arbitral, mais ne garantissent pas en fin de compte la résolution rapide du différend, car le tribunal peut être sûr que même en cas de non-respect du délai, le litige se poursuivra néanmoins. procédure.
Délais fixes selon la loi italienne
La situation est cependant complètement différente dans le droit italien de l’arbitrage. L’article 820, paragraphe 2, du Code de procédure civile italien impose un délai légal de 240 jours pour le prononcé de la sentence, calculé à partir de la constitution du tribunal. Si le tribunal ne respecte pas ce délai, la sentence est susceptible d’être annulée. Les parties peuvent raccourcir ou prolonger le délai, mais elles ne peuvent pas convenir contractuellement d’y renoncer totalement. La Cour suprême italienne considère plutôt le délai comme un élément essentiel de l’arbitrage (Corte di cassazione, décision du 19 janvier 2015, n° 744).
Si les parties conviennent de raccourcir le délai, le présent accord a la même force obligatoire que le délai légal. Par exemple, dans une affaire récemment jugée, les parties à un contrat de fourniture de gaz avaient stipulé contractuellement un délai très court de 90 jours. Seule la prolongation du délai en raison de l’administration des preuves a permis d’éviter l’annulation de la sentence arbitrale (voir le texte de la convention d’arbitrage dans l’arrêt de la Corte di cassazione du 3 janvier 2023, n° 38).
Par accord des parties ou par décision du tribunal étatique compétent, le délai du tribunal arbitral peut être prolongé (article 820, paragraphe 3, du code de procédure civile italien). Le délai est automatiquement prolongé de 180 jours si le tribunal arbitral recueille des preuves, désigne un expert, rend une sentence partielle ou provisoire ou si la composition du tribunal arbitral change (article 820, paragraphe 4).
Ces particularités du droit italien doivent bien sûr être gardées à l’esprit si l’Italie est le siège de l’arbitrage, mais elles peuvent également servir de lignes directrices de rédaction intéressantes pour les arbitrages dans d’autres sièges, dans le cas où les parties à la convention d’arbitrage souhaitent particulièrement assurer une résolution rapide du litige.
L’autonomie des parties donne aux parties la possibilité de convenir de délais fixes également dans d’autres systèmes juridiques, comme celui de l’Allemagne, qui ne prévoient pas expressément un tel accord dans leur droit d’arbitrage.
La seule exigence légale à respecter est le droit des parties d’être entendues, qui n’est pas violé par un tel accord si seul un certain délai minimum est réservé à la procédure, donnant aux arbitres la possibilité d’apprécier au moins les principaux aspects du bien-fondé de l’affaire en question.
Outre les éventuels effets d’accélération, un autre avantage important du délai de décision fixe pourrait également résulter d’une meilleure prévisibilité de la procédure. Dans les procédures conventionnelles – qu’il s’agisse de procédures judiciaires ou d’arbitrage – la fin est souvent difficilement prévisible. Les parties doivent constituer des provisions correspondantes dans leurs bilans et la main-d’œuvre de leurs salariés est utilisée pour une durée indéterminée. En revanche, avec un délai de décision fixe, la date de fin de la procédure serait clairement définie. Les ressources des partis ne seraient mobilisées que pour une période de temps déterminée et prévisible.
Conclusion
Les délais de décision fixes pour les tribunaux arbitraux sont sous-utilisés. Ils offrent non seulement des gains de temps dans le déroulement de la procédure arbitrale, mais permettent également aux parties de mieux calculer les ressources à allouer à la procédure. Les expériences du droit italien en matière de délais de décision pourraient être utilement transférées aux procédures d’arbitrage dans d’autres sièges. Dans un système juridique qui ne prévoit pas expressément de règles concernant ces délais ni les possibilités de prolongation correspondantes, les parties à la convention d’arbitrage devraient toutefois prévoir contractuellement la possibilité de prolonger le délai fixé dans la convention d’arbitrage au cas où le différend deviendrait plus vaste que prévu au préalable ou en cas de dépôt de demandes reconventionnelles. Il est conseillé de s’appuyer sur une institution d’arbitrage en tant que tiers neutre pour statuer sur les demandes respectives de prorogation de délai. Dans ces conditions, les délais fixes peuvent devenir un outil très précieux pour tout avocat contentieux qui rédige des clauses compromissoires.
Ce qui précède est une version abrégée d’un article publié dans le journal d’arbitrage VZ | Journal allemand d’arbitrage, Vol. 21, n° 6 (2023), qui est également inclus dans (notre blog d’information). lac ici pour plus d’informations et d’autres contributions au Journal.