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CEDH dans Drelon c. France : le stockage de données spéculant sur l’activité sexuelle d’un donneur de sang potentiel viole l’article 8 CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère qu’il y a eu violation du droit au respect de la vie privée tel que protégé par l’article 8 CEDH en Drelon c. France (requêtes nos 3153/16 et 27758/18) par la collecte et le stockage de données à caractère personnel concernant les pratiques sexuelles d’un donneur de sang potentiel sur la base de spéculations.

En l’espèce, le requérant a été empêché de donner du sang parce qu’il a refusé de répondre s’il avait déjà eu des relations sexuelles avec un homme. Ses coordonnées ont été enregistrées, y compris une contre-indication sous un code pour les hommes ayant eu des rapports sexuels avec un autre homme. Il a engagé une action en justice devant les juridictions nationales au motif que la collecte et le stockage de ses données violaient son droit garanti par l’article 8 CEDH.

La Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’ingérence alléguée en question était prévue par la loi (elle était – en vertu de l’article 18 de la directive UE 2002/98 et d’une ordonnance fixant les règles relatives à l’enregistrement numérique des données des donneurs) et poursuivait un objectif légitime (ce qu’elle a fait – la protection de la santé, compte tenu notamment des infections dues aux transfusions sanguines en France et des impératifs de sécurité transfusionnelle).

Sur la question de savoir si elle était proportionnée à cet objectif et assurait un juste équilibre entre les intérêts concurrents des parties en prévoyant des garanties appropriées, la Cour a observé qu’il était particulièrement important que les exigences de qualité soient respectées compte tenu de la nature sensible des données en cause, eu égard à sa jurisprudence relative à l’exactitude et à la mise à jour de ces données. Il a également souligné qu’il était pertinent que le consentement de l’individu à la collecte et au stockage des données n’ait pas été donné. Dans cette affaire, la Cour EDH a estimé que les données personnelles n’étaient pas exactes, car la contre-indication avait été enregistrée sur le seul motif de refus de répondre à des questions relatives à la sexualité, et que la conclusion tirée était spéculative et injustifiée – ce qu’elle a déclaré inapproprié. Il n’a pas non plus été mis à jour après que le requérant eut déposé des plaintes. Il a ajouté qu’il y avait également des problèmes avec combien de temps les données auraient été conservées (jusqu’en 2278), il était nécessaire d’examiner et de réglementer ces périodes et les objectifs de la collecte de données. Cette durée de stockage des données était excessive et entraînait l’exclusion répétée et automatique de l’individu du don de sang.

Elle a donc conclu que la France avait outrepassé sa marge d’appréciation et qu’il y avait eu violation de l’article 8 CEDH par la collecte et le stockage des données.

Lire le jugement ici (disponible en français seulement au moment de la publication).