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Rantos clarifie la condition de « l’effet d’incitation » pour les aides d’État à l’environnement et à l’énergie

Monsieur l’Avocat général Rantos a présenté ses conclusions en Veejaam et Espo (Affaire C-470/20), concernant plusieurs questions sur l’interprétation de « l’effet d’incitation » pour les aides d’État et sa classification dans le contexte des régimes d’énergie renouvelable en Estonie.

Deux producteurs d’énergie renouvelable, Veejaam et Espo, ont reçu une aide d’État pour la production d’énergie à partir de sources renouvelables en Estonie. Toutefois, à la suite du remplacement des équipements de production pour lesquels elles avaient initialement reçu cette aide, les deux sociétés ont soumis de nouvelles demandes d’aide d’État à l’autorité estonienne compétente, Elering. L’entreprise a rejeté l’aide pour les énergies renouvelables car les entreprises ne respectaient pas toutes les conditions fixées par la loi, à savoir ‘l’effet incitatif ».

Application du paragraphe 50 de la Lignes directrices sur les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie 2014-2020 (« Lignes directrices ») Les aides en faveur de l’environnement et de l’énergie ne peuvent être jugées compatibles avec le marché intérieur que si elles ont un effet incitatif, c’est-à-dire si elles incitent le bénéficiaire à modifier son comportement pour accroître le niveau de protection de l’environnement. La Cour suprême d’Estonie saisie de l’affaire a demandé à la Cour de justice de clarifier plusieurs questions sur l’interprétation de l’effet d’incitation.

En outre, des doutes surgissent quant à la classification des deux régimes estoniens pour les énergies renouvelables. Dans le cadre du premier régime, seuls les producteurs existants qui avaient commencé à produire au 1er mars 2013 étaient éligibles à l’aide, qui était accordée automatiquement à condition que les conditions fixées par la législation en vigueur à l’époque (ci-après l ‘ « ancien régime ») soient remplies. Dans le cadre du deuxième régime, à compter du 1er janvier 2015, les producteurs qui ont commencé à produire après le 1er mars 2013 ne pouvaient obtenir une aide d’État que dans le cadre d’une procédure d’adjudication (ci-après le « nouveau régime »). Cependant, l’Estonie n’a pas adopté les mesures législatives pour la mise en œuvre du nouveau régime et a continué d’appliquer l’ancien régime jusqu’en 2017, permettant ainsi également aux producteurs qui ont commencé leur production après le 1er mars 2013 de bénéficier de cette ancienne aide. La Commission a adopté une décision en 2017 déclarant que l’Estonie avait violé l’article 108, paragraphe 3, du TFUE et son obligation de notifier les aides d’État.

La Cour suprême estonienne a donc également demandé si, en continuant d’appliquer l’ancien régime au-delà de la date initialement envisagée, l’aide devait être qualifiée d ‘ « aide nouvelle », qui a été mise en œuvre sans l’autorisation de la Commission.

Dans ses conclusions rendues le 2 juin 2022, AG Rantos a proposé à la Cour de se prononcer sur « l’effet incitatif » selon lequel:

  • l’exigence d’effet d’incitation énoncée au paragraphe 50 des lignes directrices n’empêche pas un producteur d’énergie renouvelable de demander le paiement d’une aide d’État après le début des travaux de mise en œuvre d’un projet, pour autant que toutes les autres conditions énoncées dans la décision de la Commission approuvant la compatibilité du régime d’aide en question soient remplies en tout état de cause;
  • l’effet incitatif d’une aide d’État n’est pas rendu inefficace lorsque l’investissement justifiant cette aide a été réalisé à la suite de la modification des exigences d’une autorisation environnementale, en particulier lorsque le demandeur, s’il n’avait pas obtenu l’aide d’État, aurait cessé son activité en raison des exigences plus strictes de l’autorisation.

En ce qui concerne la classification de l’aide, l’AG a conclu que:

  • lorsque la Commission a déclaré à la fois un régime d’aide existant et ses modifications proposées compatibles avec le marché intérieur, mais que l’État membre ne respecte pas son engagement de n’appliquer ce régime que jusqu’à une certaine date, l’application de ce régime au-delà de cette date est considérée comme constituant une « aide nouvelle » au sens de l’article 1er, point c), du règlement 2015/1589.;
  • dans le cas où la Commission décide de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un régime d’aides d’État mis en œuvre en violation de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, les personnes ayant droit à une aide au fonctionnement peuvent demander le paiement de l’aide pour la période antérieure à la décision de la Commission, si les règles de procédure nationales le permettent et à condition que toutes les autres conditions soient remplies.

Lire l’avis de l’AG ici (non disponible en anglais au moment de la publication).